L'angoisse de la page blanche, d'habitude je ne connais pas. Je ne suis pas un écrivain mais un noteur avec un N. J'attends les fulgurances de ma tête et je m'empresse de les noter sur un carnet avant qu'elle disparaissent. Mais là, dans la médiathèque, ce samedi 15 septembre 2018, toute la journée, rien-quedal me traverse le cerveau. Ils ont du installer un paratonnerre à fulgurances sur le toit de la mairie, à côté. La médiathèque, lieu étrange ! C'est une fourmilière de cigales, un oasis de clarté dans la brume citadine, un abri-bus en plus grand, où l'on croise des voyageurs immobiles qui prennent en photo le silence... Les livres autour me regardent écrire. Ils dorment peut-être quand personne ne les ouvre. Pourtant, certains me font de l'oeil pour que j'aille à leur rencontre, là tout de suite, ils veulent faire l'amour avec mes yeux, me raconter leur existence de livre, ce qu'ils ont vécu, page à page, et à l'intérieur du texte, me prouver qu'ils existent vraiment. J'aimerais les lire jusqu'à la nausée des yeux mais aujourd'hui je ne peux pas. Je bois du thé et je me force à écrire. Drôle de sensation ! Comme écrire une lettre à ses parents quand on est en colonie de vacances. Je me sens un peu pigiste de moi-même, même pas à la Montagne, non juste nombriliste de la vie médiathique, je veux dire de la médiathèque. J'entends un très jeune enfant qui pleure, puis le silence bruyant des livres qui soupirent. Peut-être a-t-il été mordu par un livre jeunesse ? Ce sont les plus dangereux si on les laisse en liberté. Ils ne savent pas encore obéir à la littérature, on les nourrit de dessins et de coloriages, avec du gros texte pour apaiser leur sauvagerie naïve... En fait je me demande si la médiathèque n'est pas un Zoo à livres ? ET les pauvres auteurs (pléonasme), enfermés depuis des années dans leurs livres, ils font quoi à part écrire des pages blanches ? Ils attendent peut-être que les lecteurs leur donnent des cacahouètes et des bananes. Oui ? Mais non, mais non.
Les auteurs au travail pendant la journée...
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Je suis au zoo des livres
par Jean Lenturlu
L'angoisse de la page blanche, d'habitude je ne connais pas. Je ne suis pas un écrivain mais un noteur avec un N. J'attends les fulgurances de ma tête et je m'empresse de les noter sur un carnet avant qu'elle disparaissent. Mais là, dans la médiathèque, ce samedi 15 septembre 2018, toute la journée, rien-quedal me traverse le cerveau. Ils ont du installer un paratonnerre à fulgurances sur le toit de la mairie, à côté.
La médiathèque, lieu étrange ! C'est une fourmilière de cigales, un oasis de clarté dans la brume citadine, un abri-bus en plus grand, où l'on croise des voyageurs immobiles qui prennent en photo le silence...
Les livres autour me regardent écrire. Ils dorment peut-être quand personne ne les ouvre. Pourtant, certains me font de l'oeil pour que j'aille à leur rencontre, là tout de suite, ils veulent faire l'amour avec mes yeux, me raconter leur existence de livre, ce qu'ils ont vécu, page à page, et à l'intérieur du texte, me prouver qu'ils existent vraiment. J'aimerais les lire jusqu'à la nausée des yeux mais aujourd'hui je ne peux pas.
Je bois du thé et je me force à écrire. Drôle de sensation ! Comme écrire une lettre à ses parents quand on est en colonie de vacances. Je me sens un peu pigiste de moi-même, même pas à la Montagne, non juste nombriliste de la vie médiathique, je veux dire de la médiathèque.
J'entends un très jeune enfant qui pleure, puis le silence bruyant des livres qui soupirent. Peut-être a-t-il été mordu par un livre jeunesse ? Ce sont les plus dangereux si on les laisse en liberté. Ils ne savent pas encore obéir à la littérature, on les nourrit de dessins et de coloriages, avec du gros texte pour apaiser leur sauvagerie naïve...
En fait je me demande si la médiathèque n'est pas un Zoo à livres ? ET les pauvres auteurs (pléonasme), enfermés depuis des années dans leurs livres, ils font quoi à part écrire des pages blanches ?
Ils attendent peut-être que les lecteurs leur donnent des cacahouètes et des bananes. Oui ?
Mais non, mais non.